Par exemple :
"Un remède de baleinier contre le scorbut consistait à enfouir le malade dans le sol jusqu'au cou quand on atteignait enfin la terre. Le traitement, prétendit-on, fit que des patients dans la Péninsule de Banks eurent la tête dévorée par des cochons sauvages (...)"
Making Peoples, A History of the New Zealanders, From Polynesian Settlement to the End of the Nineteenth Century, James Belich (1996) p. 177
Gondorla a un amour profond des îles et a lui même émergé comme un archipel.
Je n'en dirai pas davantage ici : ce serait comme une digue qui rompt, des masses de remarques se répandent et remplissent toutes les fissures du sol.
Les pirates sont l'évocation spécifiques de l'archipel, à partir des îles Scilly /les Sorlingues au débouché de la Manche dans l'océan Atlantique.
Le Désert de Retz, à Chambourcy près de Paris (France), est un parc sans château conçu à la fin du dix-huitième siècle par François de Monville (1734-1797) dans le goût anglo-chinois, c’est-à-dire pittoresque et “naturel”. Dans ce lieu, un retrait de la société et un résumé du monde sont mis en scène. Le parc invite à la déambulation entre ses fabriques, des constructions principalement ornementales et symboliques.
Monville logea un temps dans une Maison chinoise et plus longuement dans la Colonne détruite, un morceau de fût gigantesque. Il y avait aussi une Eglise gothique en ruine, une Tente tartare, une Glacière pyramide, un Temple au dieu Pan, etc.
Monville lui-même est emprisonné, mais non exécuté, sous la Terreur révolutionnaire pour “anglomanie et sybaritisme” - la recherche des plaisirs qu’autorisaient ses moyens considérables.
Le Désert est fait de papier, sa nostalgie de son modèle à Retz est un leitmotiv de Gondorla, particulièrement dans les Contes du parc.
Peu de jardins peuvent rivaliser en beauté avec la plupart des sites naturels, ou les paysages agricoles anciens (d'avant l'industrialisation/mécanisation à outrance). Manquent déjà l'ampleur et la respiration, le respect du relief.
Dans le paysage de Gondorla, le défi pour chacune de ses parties est de tenir autant que faire se peut son rang face à l'élégance et la souplesse d'une conversation, et généralement face au bonheur de la langue parlée.
Je ne parle pas ici de paysage urbain : pour Gondorla, ce serait une analogie d'analogie, en partie abordée avec le bâti.
Les ganivelles sont des clôtures de piquets que l'on installe pour retenir le sable des dunes, la version aérienne des touffes d'oyats plantés pour les accompagner.
Il y en a des quantités alignées sur le littoral de la Petite Camargue.
J'ignore l'étymologie de ganivelle : le peu d'information à son égard n'a d'égal que sa banalité et son astuce.
Les ganivelles marquent le paysage, et leur nom est, lui, étonnament invisible.
Dans Un barrage contre le Pacifique (1950) Marguerite Duras n'avait pas encore déployé ses talents de cinéaste-poétesse. Le roman présente la lutte d'une femme dont la concession, marécageuse, est dévastée chaque année par la mer de Chine.
Ici aussi, la lutte est probablement sans espoir à long terme. Gondorla profite donc de la Camargue tant que les digues tiennent.
Il n'y a pas plus anti-naturel qu'un jardin, même quand il s'affiche à l'anglaise, ou durable, ou en mouvement. Un désir de réduire le coût de l'entretien est pour beaucoup dans l'émergence de ces styles, indépendamment de leurs considérations esthétiques, environnementales, etc. Il s'agit notamment de faire de nécessité vertu.
Dans la pauvreté de son matériau et de sa mise en oeuvre, Gondorla ne fait pas autre chose.
Un jardin favorise la promenade nez en l'air, sans attendre quoi que ce soit de précis ni d'utile au gré des allées. Il invite à regarder et à sentir.
Les éléments de Gondorla déclinent le jardin depuis la plante en pot jusqu'à la fabrique de grande taille.
Entre les deux, il y a la plate-bande, le massif, le bosquet, où toujours intervient la main de l'homme qui se signale et en même temps cherche à s'effacer.
Le jardin formel (ou à la française) du dix-septième siècle n'est pas un jardin de plantes. Il peut utiliser un registre extrêmement restreint de six ou sept arbres et arbustes (en plus du vide) répétés et modulés à l'infini. De ce choix, il tire un effet supérieur.
L'idolecte des Lapeings est une tentative de restituer une langue propre en triturant une poignée de termes.
Cet art olympien de maîtrise et de restriction dans le jardin formel m'impressionne énormément pour ses réussites propres, et parce que je suis aspiré en sens exactement inverse vers la collection et la prolifération.
Gondorla idéalement vise à faire le meilleur usage de quelques mots communs, avec un penchant pour l'arte povera. Dans sa réalité, elle cède périodiquement, pathologiquement, joyeusement, à une frénésie lexicale et des sautes de registre.